Par Kiki Kienge
Un message a été envoyé au président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi par Amnesty International pour lui demander de mettre fin aux expulsions forcées et aux autres atteintes aux droits humains commises dans les mines de cuivre et de cobalt.
C’est un rapport présenté ce 12 septembre qui se base sur les extractions du cobalt et du cuivre dans le Grand-Katanga et précisément dans la province du Lualaba, minerais qui rentrent dans la fabrication des batteries électriques, notamment pour les véhicules et autres produits pour les énergies renouvelables, un défi mondial pour la survie de notre planète.
Un rapport coécrit par Candy Ofime et Jean-Mobert Menga, tous chercheurs et collaborateurs d’Amnesty International, qui ont déclaré :
« Nous avons constaté plusieurs violations des protections juridiques prévues tant par les normes internationales relatives aux droits humains que par la législation nationale, ainsi qu’un mépris flagrant pour les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme de l’ONU. »
LE RAPPORT :
Plusieurs faits allant contre les droits de l’homme ont été constatés par les deux chercheurs de l’OMG international dans le Grand-Katanga, spécialement :
Des logements démolis ;
Dans le quartier de Cité Gécamines à Kolwezi dans la province du Lualaba où vivent plus de 39.000 personnes, la Compagnie Minière de Musonoie Global SAS (COMMUS), une coentreprise entre le groupe Chinois Zijin Mining Group Ltd et la Générale des carrières et des mines SA (Gécamines), entreprise minière d’État de la RDC.
Des centaines d’habitants ont reçu de la part des autorités de la province du Lualaba l’ordre de quitter leurs habitations et nombreux sont déjà parti depuis la reprise des activités minières sans êtres consultés et les projets d’élargissement de la mine de ZIJIN n’ont pas été rendus publics, nombreuses maisons sont déjà détruites pour faire place aux activités minières.
Quelques indemnisations ont été accordées par COMMUS à quelques personnes, mais qui ne permettent pas aux indemnisés de s’acheter un logement équivalant à celle qu’ils viennent de perdre.
« Nous, on n’a pas demandé à être délocalisés, c’est la société et le gouvernement qui sont venus nous dire qu’il y a des minerais ici, » Edmond Musans, 62 ans.
« J’avais une grande maison, avec électricité, eau… Maintenant, j’ai une petite maison, c’est tout ce que j’ai pu acheter avec l’indemnité reçue […], on doit consommer l’eau des forages […] Nous n’avons presque pas d’électricité. » a déclaré une ancienne habitante expulsée de la cité Gécamines.
Cécile Isaka, une autre ancienne habitante, a déclaré que les explosions pour l’agrandissement de la mine avaient créé des fissures si importantes dans sa maison qu’elle avait peur qu’elle s’écroule. Sans autre solution, elle a accepté l’offre d’indemnisation et a démoli sa maison endommagée en 2022 afin de pouvoir réutiliser les briques pour en reconstruire une autre ailleurs.
Des maisons brûlées et des habitants blessés ;
Le site de Mutoshi, exploité par le groupe Chemical of Africa SA (Chemaf), une filiale de Chemaf Resources Ltd, dont le siège se trouve à Dubaï, des militaires auraient brûlé toute une agglomération informelle à Kolwezi, nommée Mukumbi.
« Après que Chemaf a obtenu le bail de la concession en 2015, trois personnes se disant représentants de l’entreprise m’ont rendu visite avec deux policiers pour m’informer qu’il était temps pour les habitants de Mukumbi de dégager du site qui est notre village, ces représentants de Chemaf sont venus à quatre reprises me voir. » Ernest Miji, chef de Mukumbi, un village qui était composé d’environ 400 structures, dont une école, un établissement de santé et une église, qui ont été détruis le 7 novembre 2016 pour la construction de la mines de Chemaf.
« Le représentant de Chemaf nous ont dit que maintenant nous devrions quitter le village, nous lui avons demandé où irions-nous si c’est ici notre village où nous élevons nos enfants, nous cultivons et scolarisons nos enfants. On n’avait rien pour survivre, on a passé des nuits et des nuits dans la brousse. Des militaires de la Garde Républicaine, une unité militaire d’élite dirigée par la Présidence de la République, étaient arrivés un matin et avaient commencé à brûler des logements et à frapper les villageois qui essayaient de les en empêcher. Nous n’avons rien pu récupérer, on n’avait rien pour survivre, on a passé des nuits et des nuits dans la brousse. » Kanini Maska, une autre ancienne habitante âgée de 57 ans.
Une petite fille, qui avait deux ans à l’époque et que nous avons choisi de ne pas nommer, a été grièvement brûlée et a des cicatrices irréversibles. Son oncle a déclaré que le matelas sur lequel elle était couchée avait pris feu.
Après plusieurs manifestations, Chemaf a accepté, en 2019, de verser 1,5 million de dollars américains par l’intermédiaire des autorités locales, mais certaines personnes n’ont reçu que 300 dollars. Chemaf nie toute faute, responsabilité ou implication dans la destruction de Mukumbi et affirme ne pas avoir ordonné aux militaires de la détruire.
Comme durant le génocide en Allemagne, des croix en rouge étaient marquées sur les barrières des maisons dont les habitants devraient être expulsés et leurs maisons démolies
Destruction de cultures et agressions sexuelles, halte expulsions forcées ;
Le groupe Kazakh, Eurasian Resources groupe SARL (ERG), dons son projet Metalkol Roan Tailings Reclamation (Metalkol RTR), n’a pas été épargné du rapport de cette enquête sur le cobalt et cuivre du Grand-Katanga.
Près de Kolwezi, une filiale d’Eurasian Resources Group SARL (ERG), dont le siège se trouve au Luxembourg et dont l’actionnaire majoritaire est l’État du Kazakhstan, gère le projet Metalkol Roan Tailings Reclamation (Metalkol RTR).
En février 2020, vingt-et-un agriculteurs et agricultrices dont les cultures se trouvaient aux abords de la concession près du village de Tshamundenda, sans être consultés par les autorités et sans aucun préavis, des militaires de la garde Républicaine avec des chiens, ont occupés leurs champs par la force et de l’autre coté des bulldozers rasaient leurs cultures.
Kabibi, nom d’emprunt d’une agricultrice de Tshamundenda, a déclaré aux enquêteurs :
« À ce jour, je n’ai pas d’emploi ni d’autres sources de revenus. Je vais de maison en maison afin de trouver de quoi manger pour mes enfants. Alors que j’essayais de récolter mes cultures avant qu’elles soient détruites, trois militaires m’ont saisie avant de me violer, pendant que d’autres assistaient à la scène. Je suis resté enceinte après ce viol, j’ai accouché plus tard sans complication, fort heureusement malgré le manque des soins médicaux. Je suis veuve, je n’ai pas les moyens d’inscrire mes enfants à l’école… »
Le groupe ERG avait déclaré ne pas contrôler ni avoir demandé aux autorités le déploiement de militaires. L’entreprise a déclaré que le gouvernement Congolais estime que le collectif d’agriculteurs et agricultrices avait été indemnisé par un ancien opérateur de la mine, ce que les agriculteurs et agricultrices nient.
Halte aux expulsions forcées ;
« Les entreprises minières internationales impliquées ont largement les moyens de procéder aux changements nécessaires pour protéger les droits humains, de mettre en place des procédures qui améliorent la vie des personnes dans la région et de fournir des réparations pour les préjudices causés. » Donat Kambola, coordinateur de l’IBGDH, a déclaré.
« La République démocratique du Congo peut jouer un rôle central dans la transition énergétique pour abandonner les énergies fossiles, mais les droits humains ne doivent pas être piétinés dans la course à l’extraction des minerais permettant de décarboner l’économie mondiale. » Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International, a déclaré.
Le rapport d’Amnesty International exhorte les autorités Congolaises à mettre fin immédiatement aux expulsions forcées, à créer une commission d’enquête impartiale et à renforcer et faire appliquer les lois nationales relatives aux activités minières et aux expulsions conformément aux normes internationales relatives aux droits humains.
Les autorités ont activement participé à des expulsions forcées ou les ont facilitées et ont manqué à leur obligation de protéger les droits humains, y compris ceux prévus par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme. L’armée ne doit jamais être impliquée dans des expulsions.
Les déclarations des entreprises selon lesquelles elles adhèrent à des normes éthiques strictes sonnent bien creux. Elles ont la responsabilité d’enquêter sur les atteintes aux droits humains identifiées, d’apporter de véritables réparations et de prendre les mesures nécessaires pour empêcher de futurs préjudices. Toutes les entreprises doivent veiller à ce que leurs opérations ne portent pas préjudice aux populations se trouvant en première ligne de l’activité minière.